par Erika George, professeure de droit
S.J. Quinney College of Law, The University of Utah
erika.george@law.utah.edu
Vue d’ensemble
Rapports sur la RSE
La responsabilité sociale des entreprises (« RSE ») est devenue un élément de plus en plus important de nombreux modèles d’affaires. Un nombre croissant d’entreprises ont volontairement intégré les questions sociales et environnementales dans leurs modèles d’affaires et leurs activités quotidiennes en adoptant des politiques et des codes de conduite qui s’y rapportent.[1] La RSE « est passée d’une idée non pertinente ou à la mode à l’un des concepts les plus largement acceptés dans le monde des affaires ».[2]
Plus récemment, les exigences législatives qui rendent obligatoire la publication d’informations sur les questions sociales et environnementales ont suscité la controverse et des niveaux variables de conformité. La publication obligatoire d’informations (mandatory reporting requirements) permet d’introduire les questions relatives aux entreprises et droits humains auprès d’un plus grand nombre de parties prenantes, parties essentielles au succès d’une entreprise, notamment les investisseurs et les consommateurs. Le professeur de droit des affaires Lucien Dhooge a émis l’hypothèse que le regain d’intérêt pour la RSE est basé sur les récents développements en matière de droit et de politique qui « imposent une augmentation simultanée de la transparence et de la responsabilité des entreprises, qui peuvent être obtenues par la diffusion d’informations sociales (social disclosure)».[3] Ces développements comprennent une sensibilisation accrue de la part des régulateurs gouvernementaux (government regulators) aux impacts sociaux et environnementaux que peuvent générer les activités des entreprises à l’intérieur de leurs frontières et au-delà. Ces développements sont aussi associés à une pression croissante des parties prenantes.[4]
La plupart des obligations de publication d’information concernent les informations financières. Les obligations de publication des sociétés cotées en bourse, c’est-à-dire des entreprises qui mobilisent des capitaux sur les marchés réglementés en émettant des actions, sont une caractéristique essentielle des régimes nationaux de protection des investisseurs. Ces obligations de publication d’information visent à permettre aux personnes et aux organisations intéressées par l’achat d’actions d’une société de prendre une décision éclairée sur cette société. La plupart des sociétés cotées en bourse fournissent également au public une certaine forme de publication volontaire d’informations non-financières par le biais de rapports sur le développement durable ou la RSE.
Apprendre et enseigner les enjeux de la publication d’informations en matière de RSE et de droits humains est un élément important d’un cours sur le sujet entreprises et droits humains. De plus en plus, les investisseurs et les consommateurs recherchent des informations pertinentes sur les performances en matière de droits humains. Les entreprises dépendent des investisseurs pour lever des capitaux. Les investisseurs influencent également la gouvernance d’entreprise en ce qui concerne la composition des conseils d’administration et les politiques des entreprises. Les entreprises tirent profit des achats des consommateurs. Par conséquent, l’influence que ces groupes d’intérêt peuvent avoir sur le suivi des performances d’une entreprise en matière de droits humains mérite d’être étudiée.
Information et performance financière
La popularisation de la publication d’informations en matière de RSE auprès des entreprises a souvent soulevé la question de l’effet de cette publication sur les performances financières. Les études sont restées assez peu concluantes, soulignant souvent des failles dans la conception même des études, des théories concurrentes ou des variables non comptabilisées comme source de différences. Par exemple, Allouche et Laroche ont effectué une méta-analyse des résultats de 93 études empiriques sur la relation entre la performance financière et la responsabilité sociale, 52,58% montrant une relation positive entre la performance sociale et la performance financière.[5] D’autres études ont montré un lien négatif, théorisant que la RSE est très coûteuse et inhibe la compétitivité de l’entreprise.[6] D’autres encore affirment qu’il existe une relation neutre ou nulle entre la RSE et la performance financière,[7] en particulier lorsque des variables telles que l’investissement en R&D sont contrôlées.[8] Malgré cela, « de nombreux dirigeants d’entreprises multinationales estiment que la performance des mesures non financières l’emporte sur celle des mesures de performance financière en termes de révélation de la valeur à long terme pour les actionnaires ».[9]
La variation de la relation peut également être expliquée en répondant à la question de savoir comment les entreprises s’engagent dans la RSE et gèrent les impacts sur les droits humains. Par exemple, les études de Yusoff et Duras indiquent que les entreprises engagées en matière de RSE et les plus performantes sur le plan financier sont celles qui ont étendu la diffusion d’informations à un plus grand nombre de parties prenantes mais aussi celles qui se sont concentrées sur certaines parties prenantes « définitives » (“definitive” stakeholders).[10] Ces choix ont « accélèr[é] la revitalisation de la légitimité d’une entreprise et, par conséquent, augment[é] sa performance financière ».[11]
Publication volontaire par opposition à la publication obligatoire
En complément de la popularisation de la publication d’informations en matière de RSE, un débat académique fourni a eu lieu au sujet des régimes de publication volontaire ou obligatoire.[12] En 2014, un examen de la littérature existante dans les business reviews indiquait que : « La plupart des auteurs sont contre la réglementation sur la RSE parce qu’ils comprennent que la RSE va au-delà des responsabilités légales. Cependant, d’autres ont suggéré l’utilité d’adopter une certaine forme de réglementation car ils ne font pas confiance aux mécanismes du marché ».[13]
La publication obligatoire d’informations pourrait éliminer bon nombre des problèmes liés à la publication volontaire et profiter aux entreprises sur le long terme, car « la diffusion des aspects négatifs des performances en matière de développement durable pourrait même être considérée comme un signal positif en termes de gestion active des risques, ce qui permettrait d’éviter de nouveaux problèmes ».[14] Les initiatives de publication volontaire ont été accueillies avec scepticisme, car les entreprises sont perçues comme « omettant les points négatifs » (“gloss over negatives”) dans les déclarations volontaires. La pratique courante perçue consistant à ne présenter que les éléments positifs se traduit en fin de compte par des rapports moins négatifs en général, et donc par une transparence moins crédible. En outre, l’absence de normes communes dans les régimes de déclaration volontaire les plus populaires, tels que la Global Reporting Initiative (« GRI »), complique l’accès à des informations comparables et crédibles. Suite à la GRI, des normes volontaires supplémentaires ont été introduites. Une coalition d’investisseurs et d’activistes a formé le Corporate Human Rights Benchmark (« CHRB ») pour classer les politiques et les performances en matière de droits humains des sociétés transnationales influentes. Shift, une société de conseil en gestion formée par des experts au cœur de la création des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et droits humains, a piloté le Cadre de reporting conforme aux Principes directeurs des Nations Unies.
La composition des marchés cibles est également importante pour choisir entre les régimes de publication d’informations volontaire et obligatoire. Par exemple, les clients qui achètent des produits ou des services à une société peuvent être intéressés par des informations différentes de celles des investisseurs qui achètent des actions d’une société. D’autres parties prenantes ayant un intérêt dans une entreprise ou touchées par celle-ci peuvent être intéressées par d’autres types d’informations encore. Les recherches montrent que sur les marchés où les consommateurs sont informés et comprennent les informations communiquées, la publication volontaire a plus de valeur (valuable) pour un vendeur que la publication obligatoire.[15] Mais sur les marchés non informés, la publication obligatoire est la seule qui bénéficiera aux clients informés, car les diffusions involontaires ne seront pas faites. Si la proportion de clients, y compris d’investisseurs, qui comprennent les informations communiquées est trop faible, les informations volontaires ne seront pas communiquées.[16] Les informations obligatoires profitent aux clients informés, sont neutres pour les clients non informés et s’opèrent au détriment des vendeurs. D’où les justifications avancées contre la publication d’informations sur une base obligatoire.[17]L’information doit non seulement être facile et peu coûteuse à obtenir, mais le marché doit également disposer d’une masse critique de clients informés pour générer les informations volontaires à venir.[18]
La publication obligatoire d’informations peut, en revanche, conférer une légitimité aux informations qu’une entreprise offre, ce qui affecte la réputation de l’entreprise auprès des parties prenantes. La réputation est le principal mécanisme par lequel les bonnes entreprises sont récompensées et les mauvaises entreprises sont punies. Comme les entreprises subissent des pressions de la part de parties prenantes non liées au marché, notamment des ONG, décideurs politiques ou des médias, pour obtenir une plus grande transparence, un régime standard de publication d’informations obligatoire pourrait ajouter une certaine efficience (efficiency). Hahn et Lülfs ont constaté que « la publication de certaines informations sur la durabilité peut être un instrument permettant de générer des impressions favorables sur les performances d’une organisation en matière de durabilité, préservant ainsi la légitimité de l’organisation ».[19] Contre-intuitivement, lorsque les rapports sont publiés par l’entreprise, « on peut s’attendre à ce que les informations négatives soient perçues comme étant davatage dignes de confiance que la publication d’informations positives, car ces dernières pourraient être considérées par les parties prenantes externes comme des informations d’auto-éloge (self-laudatory), ce qui diminuerait leur crédibilité ».[20] Le lien positif entre la RSE et les performances financières implique que les bonnes entreprises sont récompensées. Les « marchés boursiers considèrent les activités de publication de ces rapports d’informations comme un investissement stratégique et non comme un simple coût ».[21]
Publication obligatoire d’information en matière de droits humains
Il y a eu une prolifération relativement rapide des systèmes de publication obligatoire d’informations imposant aux entreprises la diffusion d’informations sur leurs politiques et leurs impacts en matière de droits humains.
Les États-Unis
En juillet 2010, le président Obama a promulgué la loi Dodd-Frank sur la réforme de Wall Street et la protection des consommateurs (Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act).[22] Cette loi a ouvert une nouvelle ère de publication d’informations susceptibles d’influer sur les impacts en matière de droits humains. Certaines des dispositions de cette loi imposent aux entreprises entrant dans son champ d’application de fournir des informations à la U.S. Securities and Exchange Commission (« SEC »), l’agence de régulation chargée de protéger les investisseurs et de maintenir des marchés équitables et efficient (fair and efficient markets).
The Dodd Frank Act, Section 1502
La section 1502 de la loi Dodd-Frank modifie la section 13 du Securities Exchange Act de 1934 et exige la publication d’informations, principalement sur les procédures de diligence raisonnable des entreprises, concernant les minerais de conflit qui proviennent de la République démocratique du Congo (« RDC ») et des pays voisins.[23] L’objectif général de cette disposition est de rompre le lien entre les conflits violents et l’activité commerciale.[24] La section 1502 exige des entreprises cotées en bourse qui utilisent certains minerais de conflit qu’elles signalent les mesures de diligence raisonnable qu’elles ont prises pour déterminer la source de leurs minerais. L’objectif de cette disposition est de s’assurer que les entreprises démontrent que les liens le long de leurs chaînes d’approvisionnement de produits ne fournissent pas, en fait, un soutien financier supplémentaire au conflit violent en RDC, ou ne contribuent pas à la situation humanitaire d’urgence du pays.[25] Pour atteindre ces objectifs, les émetteurs doivent indiquer chaque année si les minerais de conflit qui sont « nécessaires à la fonctionnalité ou à la production » (necessary to the functionality or production) d’un produit manufacturé sont originaires de la RDC ou d’un pays voisin.[26] La SEC a proposé des règles modifiant les obligations de déclaration annuelle des émetteurs qui déposent des rapports conformément aux sections 13(a) ou 15(d) du Securities Exchange Act de 1934 pour mettre en œuvre la section 1502. Selon les règles proposées, tous les émetteurs ayant plus de 10 millions de dollars d’actifs et une catégorie de titres de participation non exemptés (non-exempt equity securities) détenus par plus de cinq cents propriétaires qui fabriquent, ou sous traitent (contract to manufacture) des produits pour lesquels les minerais de conflit sont nécessaires à leur fonctionnement ou à leur production, doivent faire des déclarations sur les minerais de conflit.
The Dodd Frank Act, Section 1504
La section 1504 du Dodd-Frank modifie la section 13 du Securities Exchange Act de 1934 afin d’exiger la diffusion d’informations par les émetteurs engagés dans l’extraction de ressources. Un émetteur spécialisé dans l’extraction de ressources a ainsi l’obligation de diffuser des informations sur la base de cette section si il est d’ordinaire tenu de déposer un rapport annuel auprès de la SEC et s’il s’engage dans le « développement commercial du pétrole, du gaz naturel ou des minerais ». Le développement commercial comprend l’exploration, l’extraction, le traitement et l’exportation, ou l’acquisition d’une licence pour une telle activité. Les émetteurs spécialisés dans l’extraction de ressources au sens de la section 1504 doivent déclarer à la SEC tout paiement effectué directement, par l’intermédiaire d’une filiale ou d’une entité sous son contrôle, à un gouvernement étranger ou au gouvernement fédéral (Federal Government). Les sociétés visées, celles qui sont tenues de déposer un rapport annuel auprès de la SEC et qui s’engagent dans le développement commercial du pétrole, du gaz naturel ou des minerais, doivent déclarer les sommes qu’elles versent aux gouvernements pour les paiements effectués pour favoriser le développement commercial du pétrole, du gaz naturel ou des minerais, y compris : les impôts, les redevances, les commissions, les droits de production, les bonus, les dividendes et les paiements pour l’amélioration des infrastructures, pays par pays et projet par projet. Tous les paiements « non de minimis »(not de minimis) doivent être déclarés. Selon ce standard, tout paiement, qu’il s’agisse d’un paiement unique ou d’une série de paiements connexes, qui est égal ou supérieur à 100 000 dollars au cours de l’exercice financier le plus récent, est considéré comme « non de minimis ».
La loi californienne sur la transparence de la chaîne d’approvisionnement
En 2010, la Californie a promulgué la première loi au niveau d’un état américain (State law) exigeant des fabricants et des entreprises de détail qu’ils divulguent publiquement leurs politiques visant à éradiquer l’esclavage, le travail forcé et la traite des êtres humains au sein de leurs chaînes d’approvisionnement. La loi californienne sur la transparence de la chaîne d’approvisionnement (California Supply Chain Transparency Act, « CTSCA ») est entrée en vigueur le 1er janvier 2012. Les détaillants et les fabricants soumis à ces dispositions sont tenus de publier leurs efforts, le cas échéant, pour garantir que leurs chaînes d’approvisionnement sont exemptes d’esclavage et de traite des êtres humains en évaluant et en traitant les risques le long des maillons de la chaîne d’approvisionnement. La publication doit, au minimum, expliquer si et dans quelle mesure l’entité commerciale est engagée dans des activités visant à éradiquer l’esclavage et la traite, y compris : (1) la vérification des chaînes d’approvisionnement des produits pour évaluer et répondre aux risques de traite des êtres humains et d’esclavage ; (2) l’audit des fournisseurs pour évaluer leur conformité aux normes de l’entreprise en matière de traite et d’esclavage dans les chaînes d’approvisionnement ; et (3) l’obligation pour les fournisseurs directs de certifier que les matériaux incorporés dans le produit sont conformes aux lois relatives à l’esclavage et à la traite des êtres humains du ou des pays dans lesquels ils font des affaires.[28] Ces publications doivent indiquer si les audits d’information ont été réalisés par une tierce partie, indépendante et s’ils ont été effectués sans que la partie auditée n’en soit préalablement avisée.[29] Le non-respect de ces exigences californiennes en matière de publication d’information peut donner lieu à une action en injonction de la part du procureur général (Attorney General) de Californie.[30] Bien que la seule mesure de redressement (relief) prévue par la loi californienne sur la transparence de la chaîne d’approvisionnement en cas de défaut d’information soit l’injonction, la force exécutoire de la loi peut résider dans le choix et la conscience du consommateur.
Europe
La loi britannique sur l’esclavage moderne et les directives de l’Union européenne sur la publication d’informations non-financières
La récente législation européenne prévoit l’obligation pour les entreprises de présenter des rapports sur les droits de l’homme.
Le 26 mars 2015, le Royaume-Uni a adopté la loi sur l’esclavage moderne, qui interdit toutes les formes d’esclavage moderne, de travail forcée et de traite des êtres humains.[31] La loi exige des entreprises qu’elles préparent un rapport annuel décrivant les mesures qu’elles ont prises pour s’assurer que l’esclavage et la traite des êtres humains ne sont pas présents dans leurs activités ou dans l’une de leurs chaînes d’approvisionnement, et qu’elles publient ce rapport sur leur site Internet.[32]
Les règlements proposés par l’Union européenne sur les minerais de conflit reflètent la loi américaine Dodd-Frank[33] visant à faire respecter les principes de gestion de la chaîne d’approvisionnement et les exigences de rapports pour les sociétés utilisant certains types de métaux (certain kinds of metals). En 2014, le Conseil européen et le Parlement européen ont adopté une directive en matière de publication d’informations non-financières.[34] Celle-ci exige d’un certain nombre de grandes entreprises dépassant, à la date de clôture de leur bilan, le critère du nombre moyen de 500 salariés qu’elles divulguent leurs politiques et leurs risques en matière de droits de l’homme, de questions liées aux employés, de diversité au sein des conseils d’administration, de lutte contre la corruption et de protection de l’environnement.[35] Chacune de ces initiatives législatives reconnaît expressément le rôle des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (Principes directeurs des Nations Unies)[36] dans l’amélioration des standards se rapportant aux pratiques des entreprises en matière de droits humains et établit de nouveaux standards pour la publication obligatoire d’informations et la protection des droits humains.
Après la proposition initiale de la Commission européenne sur les déclarations obligatoires des entreprises du 16 avril 2013, le Conseil européen a suggéré un amendement à la législation comptable existante pour améliorer la transparence des entreprises de plus de 500 salariés sur les questions sociales et environnementales, en particulier en ce qui concerne les impacts sur les droits humains. Le Parlement européen et le Conseil sont parvenus à un accord le 26 février 2014, le Parlement européen adoptant les amendements à sa directive sur les états financiers annuels 2013/34/UE le 15 avril 2014 et le Conseil de l’Union européenne adoptant les amendements le 29 septembre 2014.[37] En comparant cette nouvelle législation de l’UE et la loi britannique sur les sociétés de 2006, les universitaires ont déclaré que l’obligation de publication d’informations non-financières de l’UE est une « réalisation majeure… plus large que la législation britannique comparable », principalement parce qu’elle comprend le concept de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme.[38] Alors que la publication d’informations non-financières du Royaume-Uni, issue de la loi sur les sociétés de 2006, vise à fournir des informations aux actionnaires pour évaluer les résultats financiers d’une société, la nouvelle législation de l’UE exige une diligence raisonnable en matière de droits de l’homme et d’environnement afin de respecter les Principes directeurs des Nations Unies et de comprendre l’impact des entreprises sur les droits humains.[39] Malgré la connaissance générale à l’international se rapportant à la tendance émergente vers la diligence raisonnable en matière de droits humains et à la RSE pour les entreprises,[40] ces dernières années la législation européenne s’est avérée représenter un pas important vers la création de lois nationales contraignantes de ce type.
Approches pédagogiques
Dans les cours relatifs aux entreprises et droits humains, les enseignants abordent le sujet de la publication obligatoire d’information en matière de droits humains comme un sujet distinct et se rapportant à des questions spécifiques relatives aux humains (par exemple l’esclavage, la traite des êtres humains) ou à des industries (par exemple les minerais de conflit). Ils le présentent comme un outil de responsabilisation des entreprises et dans le contexte des pratiques des entreprises comme la diligence raisonnable en matière de droits humains.
Étant donné que la publication obligatoire d’information reste un développement controversé, la discussion en classe donne aux élèves l’occasion de développer leurs compétences en évaluant les informations et les idées découlant de leur propre position et de celle des autres. Une technique utile pour un cours consiste à répartir les élèves par « groupes de réflexion et d’échange » (Think Share Pairs) pour qu’ils participent à la discussion avec leurs propres questions, et à les mettre en groupes pour alterner les questions posées et les réponses données par les différentes parties prenantes. D’autres moyens de faire participer les élèves consistent à organiser des débats sur des questions contestées, comme les avantages de la RSE volontaire par rapport à la RSE obligatoire ou les avantages de la publication volontaire par rapport à la publication obligatoire d’informations en matière de droits humains. L’organisation « d’exercices de travail en groupe » ou de « simulations élargies » permet aux étudiants d’examiner plus en profondeur les documents de référence grâce à l’interaction entre eux. Enfin, les « exercices appliqués » demandent aux étudiants de s’engager avec des groupes d’intérêt en dehors des cours. Les enseignants peuvent demander aux élèves de commenter des propositions de réglementation ou de s’adresser à des parties prenantes qui participent activement aux débats politiques.
Les objectifs d’apprentissage pour les étudiants peuvent inclure :
- Comprendre le contexte historique qui a conduit à la publication obligatoire d’informations sur les droits humains ;
- Comprendre les objectifs et le contenu des obligations actuelles en matière de publication obligatoire d’informations sur les droits humains dans le monde ;
- Évaluer de manière critique les forces et les faiblesses des régimes spécifiques de publication obligatoire d’informations sur les droits humains ; et
- Développer des compétences en matière d’évaluation des informations et des idées selon des perspectives multiples.
Les cours de droit peuvent mettre l’accent sur les questions relatives à la capacité institutionnelle des différentes agences gouvernementales de régulation ou sur les compétences pratiques de conseil aux clients en matière de conformité. Les cours peuvent comporter des exercices appliqués, tels que la rédaction de plaidoiries pour contester les exigences de publication d’information, de plaidoiries pour défendre ces mêmes exigences et de lettres à destination de clients sur le respect des exigences de publication.
Dans les cours de commerce, les exercices et les études de cas peuvent se concentrer sur la mise en œuvre de la publication d’information par les entreprises. Au-delà de cette mise en œuvre, les étudiants peuvent explorer les moyens d’améliorer les performances dans les domaines liés à l’établissement de rapports.
Dans les cours de politique générale, les exercices peuvent porter sur l’efficacité des exigences en matière de publication d’information en tant qu’expérience visant à créer des incitations au changement. La transparence se traduit-elle dans différents domaines ou secteurs industriels qui ne sont pas encore réglementés en ce qui concerne la publication d’informations ?
Questions clés
Questions d’ordre général
- Quelle est la différence entre la publication d’informations en matière de RSE et la publication d’informations en matière de droits humains ?
- Quelles sont les formes les plus courantes de publication obligatoires d’informations sur les droits humains ?
- Quels sont les avantages et les inconvénients de la publication volontaire d’informations en comparaison de la publication obligatoire ?
- La publication obligatoire d’informations récompense-t-elle les bonnes entreprises et punit-elle les mauvaises ?
- Comment la publication d’informations financières pourrait-elle traiter des impacts des entreprises sur les droits humains ?
- En quoi la transparence obligatoire aide-t-elle les investisseurs et/ou les consommateurs?
Pour les étudiants en commerce
- Dans quelles conditions les régimes de publication volontaire (comme les rapports sur la responsabilité sociale des entreprises et les rapports sur le développement durable) et les systèmes de transparence (publication obligatoire) contribuent-ils à améliorer les performances des entreprises ?
- Les régimes de publication obligatoires ou volontaires sont-ils plus rentables ?
- Comment peut-on réduire les coûts des rapports obligatoires ?
Pour les étudiants en droit
- Qu’est-ce que le modèle « se conformer ou expliquer » (comply or explain) de publication obligatoire ?
- Quels rôles pourraient jouer la publication et la diffusion d’information concernant les entreprises dans la promotion de la protection des droits humains ?
- Quelle est la relation entre la transparence et la responsabilité (accountability)?
- Comment les organisations de défense des droits humains ont-elles utilisé la publication d’informations pour faire part de leurs préoccupations ?
Pour les étudiants en sciences politiques
- L’obligation de publication obligatoire en matière de droits humains a-t-elle changé les pratiques commerciales ?
- Comment les décideurs politiques peuvent-ils calibrer les exigences en matière de publication d’information pour atteindre les objectifs visant à promouvoir un comportement plus responsable des entreprises ?
Ressources pédagogiques
Notes
[*] Cette note pédagogique peut-être citée comme suit :
Erika George, “Teaching Note: Mandatory Human Rights Reporting,” in Teaching Business and Human Rights Handbook (Teaching Business and Human Rights Forum, 2016), https://teachbhr.org/resources/teaching-bhr-handbook/teaching-notes/mandatory-human-rights-reporting/(opens in a new tab).
[1] Robert G. Eccles, Ioannis Ioannou and George Serafeim, “The Impact of Corporate Sustainability on Organizational Processes and Performance,” National Bureau of Economic Research 2 (2012).
[2] Maria del Mar Mira Rodriguez, Corporate Social Responsibility and Financial Performance: A Controversial Relationship, in Corporate Social Responsibility: Challenges, Benefits and Impact on Business Performance 227, 227 (2014).
[3] Lucien J. Dhooge, “Beyond Voluntarism: Social Disclosure and France’s Nouvelles Regulations Economiques,” Arizona Journal of International Comparative Law (Vol. 21, 2004), 441, 452.
[4] Id. at 454.
[5] See Patrice Laroche & José Allouche, “A Meta-Analytical Investigation of the Relationship Between Corporate Social and Financial Performance,” Revue de Gestion des Resources Humans (Vol. 57, 2005), 18–41; see also A. Najah & A. Jarboui, “The Social Disclosure Impact on Corporate Financial Performance: Case of Big French Companies,” International Journal of Management and Business Research (Vol. 3, 2013), 337, 339.
[6] Najah and Jarboui, supra note 5 at 340.
[7] Id.
[8] Abagail McWilliams & Donald Siegel, “Corporate Social Responsibility and Financial Performance: Correlation or Misspecification,” Strategic Management Journal (Vol. 21, 2000), 603, 608.
[9] Najah and Jarboui, supra note 5 at 348.
[10] Haslinda Yusoff, Siti Salwa Mohamad & Faizah Darus, “The Influence of CSR Disclosure Structure on Corporate Financial Performance: Evidence from Stakeholders’ Perspectives,” Procedia Economics and Finance (Vol. 7, 2013), 213, 219.
[11] Id.
[12] del Mar Mira Rodriguez, supra note 2 at 229.
[13] Id.
[14] Id.
[15] Michael J Fishman & Kathleen M Hagerty, “Mandatory Versus Voluntary Disclosure in Markets with Informed and Uninformed Customers,” Journal of Law, Economics, and Organization (Vol. 19, 2003), 45, 46 .
[16] Id.
[17] Id.
[18] Id.
[19] Id.
[20] Rüdiger Hahn & Regina Lülfs, “Legitimizing Negative Aspects in GRI-Oriented Sustainability Reporting: A Qualitative Analysis of Corporate Disclosure Strategies,” Journal of Business Ethics (2013), 401, 402.
[21]Jegoo Lee & Sylvia Maxfield, “Doing Well by Doing Good?,” Business & Society Review (Vol. 120, 2005), 577, 578-79.
[22] The Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, Pub. L. No. 111-203, 124 Stat. 1376 (2010) [hereinafter the Dodd-Frank Act]. See also Helene Cooper, “Obama Signs Overhaul of Financial System,” The New York Times (Jul. 21, 2010), available at http://www.nytimes.com/2010/07/22/business/22regulate.html.
[23] Dodd-Frank Act, § 1502, 124 Stat. 2213-18 (2010)(to be codified at 15 U.S.C. § 78m(p)).
[24]See 145 Cong. Rec. S3816-17 (daily ed. May, 17, 2010) (statement of Sen. Durbin) (Section 1502 “encourages companies using [conflict] minerals to source them responsibly” and also seeks to “address where the armed groups are receiving their funding.”)
[25] See Dodd-Frank Act, supra note 22 at §1502(a).
[26] Id. §1502(b). For the purposes of Section 1502, “conflict minerals” are defined to include columbite-tantalite (coltan), cassiterite (tin), wolramite (tungsten) and gold or their derivatives, which are limited to Tantalum, Tin and Tungsten, unless the Secretary of State determines that additional derivatives are financing conflict in the Covered Countries. Conflict Minerals, 77 Fed. Reg. 56274, 56285 (Sept. 12, 2012) (to be codified at 17 C.F.R. pts. 240 and 249b).
[28] Id. at (c)(1)-(3).
[29] Id. at (c)(2).
[30] Id. at (d).
[31] United Kingdom, “Modern Slavery Act 2015,” http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2015/30/contents/enacted/data.htm.
[32] Anthony P. Ewing, “Mandatory Human Rights Reporting,” in Dorothée Baumann-Pauly and Justine Nolan, eds., Business and Human Rights: From Principles to Practice (Routledge, 2016), 284, 290. See also Elise Diggs, Catherine Meredith and Vera Padberg, “The Modern Slavery Act 2015: corporate reporting requirements to tackle slavery in supply chains,” Doughty Street International (Oct. 29, 2015), available at http://www.doughtystreetinternational.com/blog/modern-slavery-act-2015-corporate-reporting-requirements-tackle-slavery-supply-chains.
[33] Robin Emmott, “EU proposes scheme to certify mineral imports blood free,” Reuters (Mar. 5, 2014) http://in.reuters.com/article/eu-minerals-idINL6N0M230M20140305.
[34] European Commission, “Disclosure of non-financial information by certain large companies: European Parliament and Council reach agreement on Commission proposal to improve transparency” Press Release Statement (Brussels, Feb. 26, 2014), available at http://europa.eu/rapid/press-release_STATEMENT-14-29_en.htm?locale=en.
[35] Business and Human Rights Resource Centre, “EU Requirements on companies’ non-financial reporting (2014),” available at http://business-humanrights.org/en/eu-requirements-on-companies-non-financial-reporting-2014.
[36] “Guiding Principles on Business and Human Rights: Implementing the United Nations ‘Protect, Respect and Remedy’ Framework,” Report of the Special Representative of the Secretary-General on the issue of human rights and transnational corporations and other business enterprises,” UN doc. A/HRC/17/31 (21 March 2011), available at http://www.ohchr.org/Documents/Publications/GuidingPrinciplesBusinessHR_EN.pdf.
[37] Anil Yilmaz and Rachel Chambers, “New EU human rights reporting requirements for companies: One step beyond the current UK rules,” EU Law Analysis: Expert insight into EU law developments (Oct. 22, 2014), available at http://eulawanalysis.blogspot.com/2014/10/new-eu-human-rights-reporting.html.
[38] Id.
[39] United Kingdom, “Companies Act 2006,” available at http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2006/46/section/417.
[40] Ioannis Ioannou and George Serafeim, “The consequences of mandatory corporate sustainability reporting: evidence from four countries,” Harvard Business School Research Working Paper 11-100 (2014).