Étude d’impact sur les droits humains

[*]

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par Mark Wielga
Directeur, Nomogaia[1]
wielga@nomogaia.org
Vue d’ensemble

Contexte

L’étude d’impact sur les droits humains (« EIDH ») est un processus d’analyse et de description de la manière dont une politique ou une activité donnée exerce un impact sur les droits humains. Lorsqu’une EIDH est réalisée pour le compte d’une société ou d’une opération commerciale et qu’elle lui est consacrée, l’EIDH est une forme de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme, telle que cette expression est définie par les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme (voir les Notes pédagogiques sur la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme et sur les Principes directeurs des Nations Unies).[2] Les EIDH portant sur des opérations commerciales prévues et futures tiennent souvent compte des impacts négatifs potentiels que l’on désigne aussi par l’expression « risques pour les droits humains ». Ce terme fait référence aux risques pour les titulaires de droits, et non aux risques pour une entreprise qui découleraient de ces impacts.

L’ « étude d’impact » est un terme technique désignant un processus permettant d’identifier de manière systématique les impacts actuels et potentiels d’une opération commerciale, d’un projet d’investissement, d’une politique gouvernementale ou d’un accord intergouvernemental.[3] Les études d’impact environnemental des projets commerciaux constituent une obligation légale dans la plupart des États.[4] Les études d’impact axées sur les aspects sanitaires et sociaux des actions des entreprises sont également de plus en plus nombreu.[5] L’étude d’impact constitue un domaine à part entière avec ses propres praticiens, théoriciens, organisations et revues universitaires. L’étude d’impact sur les droits humains est une composante relativement nouvelle et modeste de ce domaine

L’EIDH trouve son origine dans deux domaines distincts : les politiques relatives aux droits humains et l’étude d’impact. Depuis 1995, les bailleurs de fonds et les experts en développement cherchent à comprendre les effets de leurs programmes sur les droits humains.[6] Landman s’est attaché à relier cette analyse à des indicateurs,[7] tandis que Walker l’a reliée au domaine de l’étude d’impact.[8] Le domaine de l’ « étude d’impact » a été établi en grande partie dans le cadre de la protection de l’environnement dans les années 1960 et 1970.[9] La transformation d’un outil de mesure environnementale en un outil d’évaluation des droits humains a été compliquée par le fait que les impacts sur les droits humains ne sont pas mesurables quantitativement aussi facilement que, par exemple, les impacts qualitatifs et quantitatifs sur le sol, l’air et l’eau.[10] Néanmoins, des progrès ont été réalisés ces dernières années, tant dans la théorie que dans la pratique de l’EIDH : Harrison a dirigé les avancées théoriques dans l’évaluation de l’EIDH en tant que forme de diligence raisonnable en matière de droits humains[11] tandis que Salcito a élaboré et testé des méthodes mixtes d’EIDH en pratique.[12]

À l’origine, les études d’impact sur les droits humains étaient un mécanisme d’évaluation des politiques gouvernementales, des infrastructures et des accords commerciaux.[13] Avec l’essor de la matière entreprises et droits humains, des EIDH ont été réalisées sur des opérations commerciales dans toute une série de secteurs. La plupart de ces évaluations ont porté sur des projets d’investissement de grande envergure, tels que des mines à ciel ouvert, des opérations pétrolières et gazières, de grandes plantations agricoles et des usines. Des EIDH ont également été réalisées sur des activités touristiques (hôtels) et également, selon certaines sources, sur des projets du secteur des technologies de l’information et de la communication, bien qu’aucune évaluation des TIC n’ait été rendue publique.[14]

Étude d’impact sur les droits humains vs diligence raisonnable en matière de droits humains

Les Principes directeurs des Nations Unies ont introduit le concept de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme, un dispositif par lequel une entreprise enquête et répond à ses propres impacts sur les droits humains. Bien que les Principes directeurs des Nations Unies n’utilisent pas le terme « EIDH », ils font référence à « l’évaluation des impacts actuels et potentiels sur les droits de l’homme ».[15] Lorsqu’elle est réalisée par les entreprises, l’évaluation d’impact sur les droits humains est une forme de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme. Les Principes directeurs des Nations Unies ont influencé la pratique de l’EIDH, de sorte que les EIDH sont désormais généralement réalisées dans l’intention de répondre à la définition de la diligence raisonnable en matière de droits de l’hommedes Principes directeurs des Nations Unies. Bien qu’il n’existe pas de terminologie commune pour les différents types de diligence raisonnable en matière de droits humains, la terminologie et les procédures se sont multipliées, notamment « évaluation des droits humains », « analyse des carences en matière de droits humains », « évaluation des risques en matière de droits humains » et « étude d’impact sur les droits humains ». Les différences entre ces termes, et les analyses correspondantes, ne sont pas clairement identifiées. Dans la confusion qui en résulte, des travaux identiques ont parfois des intitulés très différents, et des travaux très différents ont parfois des intitulés identiques.[16]

Dans certains cas, une EIDH complète est le premier pas fait par une entreprise ou un projet commercial pour confronter les idées en matière d’entreprises et de droits humains. L’EIDH peut donc constituer le premier engagement concret d’une entreprise sur les questions de droits humains. L’EIDH est souvent considérée comme l’un des processus les plus détaillés et les plus approfondis de la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme. Toutefois, la définition de la diligence raisonnable en matière de droits de l’hommedonnée par les Principes directeurs des Nations Unies dépasse la simple évaluation : ils exigent en outre que l’entreprise donne suite aux conclusions, assure le suivi de ses réponses et communique sur la manière dont les impacts sont traités. Les Principes directeurs des Nations Unies exigent également que la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme s’exerce en permanence, « étant donné que les risques en matière de droits de l’homme peuvent changer à terme au fur et à mesure de l’évolution des activités et du cadre de fonctionnement de l’entreprise»[17] Si aucune de ces exigences supplémentaires ne fait partie de l’étude d’impact classique, elles font cependant partie de la plupart des EIDH.

L’évaluation de la Mine de Marlin, commandée par le conseil d’administration de Goldcorp peut être utilisée comme exemple de diligence raisonnable en matière de droits humains.[18] Cette évaluation apprécie les risques que font peser la mine sur les droits humains. Cependant, les limitations à l’engagement des titulaires de droits engendrées par les conflits incessants avec les communautés locales témoignaient du fait que l’équipe d’évaluation, hautement compétente, ne pouvait parler que d’ « évaluation des droits humains » et non d’EIDH. L’EIDH de la mine de Nevsun en Érythrée fait quant à elle partie d’une évaluation en cours, laquelle est effectuée par rapport à toutes les exigences des Principes directeurs des Nations Unies relatives à la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme.[19]

Réaliser une étude d’impact sur les droits humains

Généralement, l’étude d’impact évalue un projet commercial avant que ce projet ne soit réalisé. Les conclusions de l’évaluation peuvent aider à re-conceptualiser le projet afin de réduire et d’atténuer ses impacts. Si les impacts probables sont graves et inévitables, le gouvernement (ou l’entreprise) peut décider que le projet devra être abandonné.[20] Certaines EIDH adoptent cette approche prospective et examinent un projet qui a été conçu et planifié, mais pas encore réalisé. Toutefois, les Principes directeurs des Nations Unies précisent clairement que la diligence raisonnable en matière de droits de l’hommeest un effort continu, et qu’une analyse purement prospective n’est pas suffisante. En outre, les questions relatives aux droits humains sont souvent fluctuantes et imprévisibles, de sorte qu’une analyse prospective seule ne sera généralement jamais assez précise ou complète.[21] Là encore, l’EIDH doit faire siennes les exigences des Principes directeurs des Nations Unies et constituer un processus continu.

La conduite d’une étude d’impact en matière de droits humains est devenue une question de gouvernance d’entreprise (corporate governance) et un nombre croissant de sociétés a mis en place des politiques visant à respecter les Principes directeurs des Nations Unies.[22] Comme les entreprises ne disposent pas de l’expertise interne appropriée en matière de droits humains, l’EIDH, comme d’autres études d’impact, est généralement menée par des consultants externes experts en la matière et qui sont payés par l’entreprise. Pour toutes les études d’impact, cela pose le problème de la partialité, en particulier lorsque les consultants tirent leurs revenus des entreprises en question.[23] Certains consultants se forgent une réputation d’indépendance et de rigueur scientifique afin de se prémunir contre toute accusation de partialité. En d’autres circonstances, la réglementation, la transparence et l’implication de la société civile qui commente publiquement l’évaluation peuvent également protéger de la partialité

Dans les études d’impact sur les droits humains où la science fait partie de l’analyse mais où aucune méthodologie n’est établie et où l’analyse subjective est une composante inévitable, la partialité constitue un problème fondamental et essentiel.

Si les EIDH sont réalisées avec un parti pris favorable à l’entreprise, elles peuvent constituer une forme d’écoblanchiment (greenwashing), en créant des arguments de défense contre des attaques potentielles dirigées contre l’entreprise et son fonctionnement.

En plus d’être une question de gouvernance d’entreprise, l’impact d’une entreprise sur les droits humains intéresse les communautés locales, le gouvernement et la société en général Ainsi, des EIDH ont été réalisées par des ONG soutenant les communautés locales et par des think tanks indépendants.[24] Les EIDH menées par les communautés locales et les ONG sont également susceptibles d’être partiales et le sentiment anti-entreprise qui se dégage d’une EIDH peut aussi entacher sa légitimité. Les entreprises ont souvent rejeté ces EIDH comme des attaques sans fondement.[25] Les EIDH menées par les communautés locales et les ONG ont souvent l’avantage d’être des évaluations publiques pouvant susciter des débats politiques bienvenus.

Les EIDH identifient généralement les droits humains pris en compte dans l’évaluation. Certaines incluent l’ensemble des droits humains (la Charte internationale des droits de l’homme et les conventions fondamentales de l’OIT, au minimum) couverts par les Principes directeurs des Nations Unies.[26] andis que d’autres se limitent explicitement à des droits spécifiques.[27] Par exemple, certaines EIDH se concentrent sur le droit à l’eau, le droit à la sécurité des personnes ou le droit à la santé. Les EIDH identifient les titulaires de droits dont les droits sont atteints. Par exemple, le droit à la santé peut être impacté par un environnement de travail dangereux où les employés sont les titulaires de droits affectés. Le droit à la santé peut également être affecté par la pollution environnementale, auquel cas les utilisateurs d’eau en aval sont les titulaires de droits affectés. Les EIDH couvrent également le degré et l’étendue de l’impact sur les droits humains. Par exemple, une grande mine à ciel ouvert qui relocalise un village a des répercussions sur une multitude de droits des personnes relocalisées. La gravité de ces impacts dépend des dispositions prises pour la population relocalisée. Certaines études d’impact sur les droits humains prennent en compte les impacts positifs aussi bien que négatifs. Si cette approche n’est pas exigée par les Principes directeurs des Nations Unies pour la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme, elle est considérée par certains comme nécessaire pour comprendre pleinement les impacts réels sur les droits humains.[28] Les EIDH comprennent également des recommandations concrètes pour des changements dans la conception ou la gestion du projet de l’entreprise, ainsi qu’un contrôle et un suivi permettant d’examiner les nouveaux impacts pendant la durée de vie du projet et de déterminer si les actions recommandées ont été menées à bien et produisent l’effet souhaité.

Méthodologie

Bien qu’il n’existe pas de méthodologie unique et unanimement acceptée pour l’EIDH, toutes les méthodologies disponibles comportent des éléments communs. Tout d’abord, il est nécessaire de prendre en compte le contexte relatif aux droits humains dans lequel le projet d’entreprise se situe. Une opération au Myanmar aura un impact sur les droits humains complètement différent d’une opération identique en Suède. Il faut tenir compte de considérations transversales propres à un lieu donné. Cela inclut des sujets tels que les revendications des autochtones sur une terre ou une ressource particulière ; le fait que la région soit, ou ait été récemment, une zone de conflit ; le fait que des taux élevés de VIH affectent les populations locales, etc. La répression gouvernementale et le respect des droits doivent être pris en compte, tout comme le statut des minorités marginalisées sur place. Le travail joue un rôle central dans les sujets relatifs aux entreprises et droits humains. Les questions relatives au travail, notamment les salaires, les conditions de travail et la force des syndicats, sont donc prises en compte. Les impacts environnementaux d’un projet peuvent également avoir des répercussions sur l’environnement physique et la santé des titulaires de droits. Les études d’impact sur les droits humains sont inévitablement interdisciplinaires et nécessitent des contributions de nombreux domaines d’expertise différents. Les méthodologies diffèrent dans la manière dont les informations sont recueillies et les jugements sont formulés par divers experts dans des disciplines spécifiques. Les méthodologies diffèrent également dans la mesure où les titulaires de droits eux-mêmes sont directement impliqués.[29] Certains s’appuient davantage sur les dirigeants (fonctionnaires locaux, chefs traditionnels, direction syndicale, etc.) pour parler au nom des titulaires de droits et décrire leurs conditions. D’autres considèrent que le contact et l’engagement directs avec les titulaires de droits eux-mêmes font partie intégrante des EIDH.

La plupart des EIDH accessibles au public ont recours à une analyse qualitative pour présenter les impacts potentiels et réels sur les droits humains. Dans ces EIDH, les impacts sont organisés et classés selon différentes approches. Certaines se concentrent sur les impacts par rapport aux droits humains individuellement reconnus dans les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme. D’autres se concentrent sur des groupes de droits (tels que les droits relatifs au travail) ou sur les droits applicables aux populations vulnérables (tels que les droits de l’enfant). Les différentes EIDH évaluent également les impacts à différents niveaux géographiques (local, régional, national), prennent en compte différents aspects des droits humains et utilisent différents indicateurs dans leur analyse. Par conséquent, la forme des EIDH varie considérablement.

Transparence

Les études d’impact réalisées, en particulier les études d’impact environnemental (« EIE »), sont souvent imposées par la loi et rendues entièrement publiques. Un élément essentiel de la législation sur les EIE est que le public est pleinement informé des impacts et a la possibilité de les commenter. Cela a été considéré comme une méthode permettant d’identifier (ou de valider) l’étendue des impacts et de générer des stratégies de réduction et d’atténuation de ces impacts.

Les études d’impact réalisées, en particulier les études d’impact environnemental (« EIE »), sont souvent imposées par la loi et rendues entièrement publiques. Un élément essentiel de la législation sur les EIE est que le public est pleinement informé des impacts et a la possibilité de les commenter. Cela a été considéré comme une méthode permettant d’identifier (ou de valider) l’étendue des impacts et de générer des stratégies de réduction et d’atténuation de ces impacts

Le manque de transparence qui caractérise actuellement la plupart des EIDH affecte profondément leur crédibilité et leur efficacité. Actuellement (2016), aucune loi nationale n’exige la réalisation d’une EIDH ou ne prévoit de procédure publique de consultation à leur sujet. De nombreuses entreprises préparent des études d’impact sur les droits humains et les gardent entièrement confidentielles.[30] Cette pratique exclut le public et exacerbe les accusations de partialité dans leur préparation (voir plus haut). Les EIDH rendues publiques sont l’exception plutôt que la règle. Dans certains cas (voir, par exemple, l’EIDH de Nevun sur sa mine en Érythrée), l’entreprise rend intentionnellement publique l’EIDH et allège que cette transparence est bénéfique. D’autres entreprises ne rendent pas leur EIDH publique, mais en publient une description sommaire (Nestlé, par exemple).

Approches pédagogiques

Pour l’enseignement de la matière « entreprises et droits humains », les EIDH sont utiles en tant qu’exemples concrets de questions relatives aux entreprises et aux droits humains décrites de manière détaillée et complète. La méthodologie des EIDH soulève des questions fondamentales sur la signification des droits humains dans la pratique, sur la manière dont les normes relatives aux droits humains peuvent être appliquées et, plus généralement, sur les effets que peuvent avoir les entreprises sur les droits humains. En raison de la variété des utilisations pédagogiques décrites ci-dessous, l’EIDH est un sujet qui peut s’intégrer utilement dans un cours sur les entreprises et les droits humains à différents stades, mais en tout état de cause après les éléments d’introduction sur les droits humains en général, les Principes directeurs des Nations Unies et la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme. Certains enseignants la reprennent comme exemple à plusieurs reprises pendant le cours. D’autres l’utilisent comme pierre angulaire afin de résumer le cours dans son ensemble. D’autres encore font un volet autonome sur la méthodologie de l’EIDH, avec un exercice pratique.

Les EIDH constituent des exemples utiles de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme. Les EIDH sont généralement la forme la plus solide et la plus détaillée de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme. Les EIDH peuvent également être utilisées comme des exemples complets et approfondis auxquels on peut se référer de manière répétée tout au long d’un cours sur les entreprises et les droits humains. L’utilisation d’exemples concrets peut être d’une grande utilité pour développer et clarifier les principes généraux sur lesquels un cours sur les entreprises et les droits humains se concentre naturellement. Les EIDH montrent aux étudiants ce qui se passe lorsque les principes des droits humains influencent réellement ce qu’une entreprise fait, ou mettent en évidence ce qu’une entreprise ne fait pas. Des exemples d’EIDH en particulier peuvent montrer la difficulté, les limites et les avantages de la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme.

Les exemples d’EIDH énumérés ci-dessous (Ressources pédagogiques) varient dans leur utilité pour les enseignants. Certains des exemples repris sont des EIDH très générales, réalisées à un stade précoce, alors que les méthodologies n’étaient pas complètement au point. D’autres sont si longues et détaillées qu’elles risquent de prendre trop de temps pour être assimilées en classe. Les enseignants peuvent faire le choix de se concentrer sur quelques EIDH.

La manière dont les EIDH sont réalisées est au cœur de la matière entreprises et droits humains. Certaines questions peuvent être soulevées sur la légitimité de ces EIDH, notamment concernant l’influence exercée par l’entreprise sur la façon dont les EIDH ont été réalisées et sur les personnes qui les ont préparées. Les EIDH menées par les communautés et les ONG peuvent être comparées aux EIDH menées par les entreprises. Jusqu’à présent, les gouvernements et les universités n’ont pas mené d’EIDH de leur propre chef. Cette possibilité pourrait cependant être examinée et débattue. La partialité est un problème fondamental pour les EIDH. Les étudiants peuvent se demander s’il est possible que les EIDH soient neutres, ou si elles souffrent inévitablement d’un parti pris qui fragilise leurs conclusions.

Les EIDH se révèlent utiles pour approfondir la question de la faisabilité et de l’efficacité du prisme des droits humains et de la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme. Les droits humains sont-ils trop nombreux et trop complexes pour être couverts de manière adéquate dans une seule et même analyse ? Une seule analyse peut-elle couvrir efficacement des questions aussi diverses que la liberté d’expression, la force des syndicats et les soins de santé ? Les normes relatives aux droits humains trouvent-elles leur utilité lorsqu’elles sont confrontées aux conditions réelles ? Que signifie le droit au logement dans une région où les maisons traditionnelles sont de taille modeste et faites de matériaux provenant de la forêt ? Que signifie le droit à un salaire minimum dans un endroit où les gens sont plongés dans l’extrême pauvreté et où la plupart des habitants pratiquent l’agriculture de subsistance ou le petit commerce ? L’apprentissage de terrain respecte-t-il le droit à l’éducation des employés lorsque ceux-ci ont grandi pendant un conflit ayant causé la fermeture des écoles ? Peut-on considérer qu’une entreprise respecte les droits humains lorsqu’aucune femme ne se donne la peine de postuler à un emploi ?

Ces questions pratiques peuvent donner lieu à des discussions fructueuses dans les enseignements portant sur les entreprises et les droits humains, ceux-ci étant généralement davantage consacrés à la théorie.

Certains cours sur les entreprises et les droits humains comportent une partie durant laquelle les étudiants effectuent leur propre évaluation des droits humains. Les étudiants reçoivent des supports pédagogiques ou effectuent des recherches sur les activités réelles des entreprises. Pour rendre ces exercices réalisables, un petit groupe d’étudiants peut se voir attribuer un ensemble de droits (droits relatif au travail, par exemple) et étudier la manière dont ces droits s’appliquent à l’activité en question.

Une technique d’enseignement est l’enquête de groupe menée à l’oral. Cette enquête commence par l’énoncé d’un scénario (une opération de l’entreprise et un cadre contextuel). Le scénario peut être un scénario réel ou une situation inventée agrégeant des projets réels. L’enseignant agit en tant que représentant de l’entreprise ayant une connaissance approfondie de l’opération. La classe a ensuite une longue séance de questions-réponses avec l’enseignant et tente de découvrir et d’évaluer les problématiques relatives aux droits humains. Si certains problèmes seront immédiatement apparents, d’autres problèmes peuvent ne l’être qu’après un questionnement réfléchi et suivi. Une version plus élaborée de cet exercice prévoit que la classe interroge conjointement un représentant de l’entreprise, puis des représentants de la communauté locale, du gouvernement et/ou d’une ONG de l’opposition. Au milieu de ces informations, dont certaines sont contradictoires, les étudiants sont en mesure de se rendre compte des défis que représente l’évaluation des droits humains. Cet exercice peut être basé sur une véritable EIDH. Une fois l’exercice terminé, l’EIDH peut être présenté aux étudiants comme sujet d’étude.

Les objectifs pédagogiques peuvent inclure:

  • Appréhender un exemple concret de la matière entreprises et droits humains et s’interroger sur ses implications pratiques ;
  • Comprendre la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme, au sens des Principes directeurs des Nations Unies ;
  • Comprendre la complexité et le travail requis pour traiter l’ensemble des droits humains au sens des Principes directeurs des Nations Unies ;
  • Prendre conscience des difficultés d’application des normes relatives aux droits humains dans des situations concrètes ;
  • Reconnaître la valeur du « prisme des droits humains » ; et
  • Faire une enquête sur les droits humains dans une situation de fait déterminée.
Questions clés

Questions d’ordre général

  • Quels sont les éléments clés d’une EIDH ?
  • Quand une EIDH doit-elle être réalisée ?
  • Qui doit réaliser l’EIDH ?
  • En quoi les EIDH diffèrent-elles de la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme ?

Pour les étudiants en commerce

  • Que doit dire la politique des droits humains d’une entreprise à propos des EIDH ?
  • Une entreprise doit-elle rendre publiques ses EIDH ?
  • Que doit dire une entreprise au sujet de ses EIDH non publiques ?
  • Quel département de l’entreprise doit être chargé de commander ou de superviser les EIDH ?
  • Quel département de l’entreprise doit être responsable du suivi des recommandations d’une EIDH ?
  • Quel est le lien entre l’EIDH et la gestion des risques de l’entreprise ?
  • Un bailleur de fonds doit-il commander lui-même ou exiger de son emprunteur qu’il commande une EIDH ?
  • Le prêteur d’un financement de projet doit-il commander ou exiger de son emprunteur qu’il commande une EIDH ?
  • Des EIDH doivent-elles être réalisées dans le cadre d’une fusion ou d’une acquisition ?

Pour les étudiants en droit

  • Pourquoi une entreprise fait-elle réaliser une EIDH ?
  • Les EIDH peuvent-elles engager la responsabilité juridique d’une entreprise ?
  • Les EIDH peuvent-elles réduire la responsabilité juridique d’une entreprise ?
  • Les EIDH doivent-elles être confidentielles ?
  • Les EIDH doivent-elles être couvertes par le secret professionnel de l’avocat ?
  • Une EIDH répond-elle à l’exigence de due diligence en matière de droits de l’homme des Principes directeurs des Nations Unies ?

Pour les étudiants en sciences politiques

  • Les gouvernements devraient-ils prescrire des EIDH ?
  • Les gouvernements devraient-ils exiger que les EIDH soient rendues publiques ?
  • Les gouvernements devraient-ils dégager les entreprises de toute responsabilité afin de promouvoir des EIDH publiques ?
  • Le modèle traditionnel d’étude d’impact, dans lequel le gouvernement agrée les consultants qui sont ensuite engagés par l’entreprise, est-il approprié pour les EIDH ?
  • Qui sont les promoteurs des EIDH les plus efficaces : les entreprises, les gouvernements ou les ONG/communautés locales ?
  • Les gouvernements devraient-ils réaliser des EIDH sur des projets commerciaux ?
  • Les gouvernements devraient-ils réaliser des EIDH sur leurs politiques publiques et leurs lois ?
  • Les gouvernements devraient-ils réaliser des EIDH sur les conventions commerciales ?
  • Dans quelles situations les organisations intergouvernementales (telles que l’ONU ou l’OCDE) doivent-elles réaliser des EIDH ?
Ressources pédagogiques
Notes

[*] Cette note pédagogique peut-être citée comme suit :

Mark Wielga, “Teaching Note: Human Rights Impact Assessment,” in Teaching Business and Human Rights Handbook (Teaching Business and Human Rights Forum, 2016), https://teachbhr.org/resources/teaching-bhr-handbook/teaching-notes/human-rights-impact-assessment/.(opens in a new tab).

The author acknowledges the participants in the sixth annual Teaching Business and Human Rights Workshop (May 2016) at Columbia University, who contributed ideas for this Note in a collaborative session on teaching human rights impact assessment.

[1] Nomogaia is a non-profit think-tank devoted to the field of business and human rights. Mr. Wielga has also taught business and human rights as an Adjunct Professor at the University of Colorado Law School.

[2] Office of the High Commissioner for Human Rights, Guiding Principles on Business and Human Rights: Implementing the United Nations “Protect, Respect and Remedy” Framework, (New York: United Nations, 2011), http://www.ohchr.org/Documents/Publications/GuidingPrinciplesBusinessHR_EN.pdf (“UN Guiding Principles”).

[3] Frank Vanclay, “The Triple Bottom Line and Impact Assessment: How do TBL, EIA, SIA, SEA and EMS Relate to Each Other?” Journal of Environmental Assessment Policy and Management (Vol. 6, no. 3, 2004), 265-288.

[4] William H. Rodgers Jr., “The Seven Statutory Wonders of U.S. Environmental Law: Origins and Morphology,” Loyola of Los Angeles Law Review (Vol. 27, Spring 1993), 1009-1022.

[5] Henk A. Becker and Frank Vanclay, eds. The International Handbook of Social Impact Assessment: Conceptual and Methodological Advances (Northampton, MA: Edward Elgar Publishing, 2003).

[6] Todd Landman, Studying Human Rights (New York: Routeledge, Taylor and Francis, 2006).

[7] Todd Landman, “Measuring Human Rights: Principle, Practice and Policy,” Human Rights Quarterly (Vol. 26, November 2004), 906-931.

[8] Simon Walker, The Future of Human Rights Impact Assessments of Trade Agreements (Cambridge, U.K.: Intersentia, 2009).

[9] Paul Portney and Robert Stavins, eds., Public Policies for Environmental Protection (2d ed., Washington, D.C.: Resources for the Future Press, 2000).

[10] Kate Raworth, “Measuring Human Rights,” Ethics & International Affairs (Vol. 15, March 2001), 111-131.

[11] James Harrison, “Establishing a Meaningful Human Rights Due Diligence Process for Corporations: Learning from Experience of Human Rights Impact Assessment,” Impact Assessment and Project Appraisal (Vol. 31, June 2013), 107-117.

[12] Kendyl Salcito et al., “Assessing Human Rights Impacts in Corporate Development Projects,” Environmental Impact Assessment Review (Vol. 42, September 2013), 39-50.

[13] Walker, The Future, supra.

[14] Harrison, Meaningful Human Rights Due Diligence,” supra. The ICT sector’s Global Network Initiative Implementation Guidelines require its members to perform HRIAs when introducing new technologies, products or services that may jeopardize freedom of expression or privacy. http://globalnetworkinitiative.org/implementationguidelines/index.php

[15] UN Guiding Principles, Principle 17.

[16] James Harrison, “Human Rights Measurement: Reflections on the Current Practice and Future Potential of Human Rights Impact Assessment,” Journal of Human Rights Practice (Vol. 3, July 2011), 162-187.

[17] UN Guiding Principles, Principle 17.

[18] On Common Ground Consultants Inc., “Human rights Assessment of Goldcorp’s Marlin Mine” (Vancouver, BC: On Common Ground Consultants Inc., 2010), available at http://csr.goldcorp.com/2011/docs/2010_human_full_en.pdf/.

[19] LKL International Consulting Inc., “Human Rights Impact Assessment of the Bisha Mine in Eritrea: 2015 Audit” (Montreal, 2015).

[20] Leonard Ortolano, Environmental regulation and impact assessment (New York: Wiley, 1997).

[21] Salcito et al., “Assessing Human Rights Impacts,” supra.

[22] Kendyl Salcito, Christopher Wielga, and Burt Singer, “Corporate Human Rights Commitments and the Psychology of Business Acceptance of Human Rights Duties: A Multi-Industry Analysis,” The International Journal of Human Rights (Vol. 19, 2015), 673-696.

[23] David Hulme “Impact Assessment Methodologies for Microfinance: Theory, Experience and Better Practice,” World Development (Vol. 288, 2000), 79-98.

[24] See, e.g., “Community-Based Human Rights Impact Assessment Initiative,” Oxfam America, available at https://policy-practice.oxfamamerica.org/work/private-sector-engagement/community-based-human-rights-impact-assessment-initiative/, and NomoGaia, “Work,” avaialble at http://nomogaia.org/work/.

[25] See, e.g., the corporate responses to the Misereor-funded HRIA of the Tampakan Copper Mine in the Philippines. ”Human Rights Impact Assessment of Tampakan Copper-Gold Project, Mindanao, Philippines,” Business & Human Rights Resource Centre, available at http://business-humanrights.org/en/human-rights-impact-assessment-of-tampakan-copper-gold-project-mindanao-philippines-0.

[26] See, e.g., Mark Wielga, Kendyl Salcito, and Elizabeth Wise, Paladin Energy Human Rights Impact Assessment: Kayelekera Uranium Project of Karonga District, North Malawi (Denver, CO: NomoGaia, 2010); LKL International Consulting Inc., Human Rights Impact Assessment of the Bisha Mine (2014); Kuoni Travel Holding Ltd., TwentyFifty Ltd, and Tourism Concern, Assessing Human Rights Impacts: Kenya Pilot Project Report, November 2012 (Zurich, Switzerland: Kuoni Travel Holding Ltd., 2012).

[27] Gillian MacNaughton and P. Hunt, “Health Impact Assessment: The Contribution of the Right to the Highest Attainable Standard of Health,” Public Health (Vol. 123, April 2009), 302-305; Gino Costa, “Comprehensive Review of Minera Yanacocha’s Policies Based on the Voluntary Principles of Security and Human Rights” (Denver, CO: Newmont Mining, 2009).

[28] Lloyd Lipsett and Mark Wielga, “Kick-Starting Human Rights Due Diligence: The Role of Human Rights Impact Assessment,” Mineral Law Series: Rocky Mountain Mineral Law Foundation, 2016, (no. 2, 2016).

[29] Alejandro Gonzales, Tamar Aryrikyan, and Benjamin Cokelet, “Evaluating the Human Rights Impact of Investment Projects: Background, Best Practices, and Opportunities” (New York: Project Poder, 2014).

[30] These include, among others, Nestlé, Newmont, BHP Billiton, Freeport McMoRan, Yahoo! and Microsoft.